Le mot « blasphème » vient du grec blasphêmía, dérivé de bláptein, « injurier », et de phếmê ou pháma « réputation », le mot blasphemia en latin et signifie littéralement « diffamation. »
La diffamation est entrée dans notre droit positif avec la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse qui a supprimé définitivement le délit de blasphème.
Le Petit Larousse définit le blasphème comme « une parole ou un discours qui insulte violemment la divinité. » Il s’agit d’un outrage ou d’une injure envers la divinité ou ses représentants.
Le blasphème défini par les théologiens et hommes d’église peut être de trois sortes
1. il est hérétique lorsque l’insulte contient une déclaration contre la foi, telle que « Dieu est cruel et injuste » ou encore « Dieu est la plus merveilleuse création de l’Homme. »
2. il est une imprécation quand il s’agit d’exprimer une malédiction envers l’Être suprême tel que « débarrassons-nous de Dieu. »
3. il est un simple irrespect lorsqu’il est entièrement fait de mépris ou d’indignation à l’égard de Dieu.
Paradoxalement toutes les religions enseignent la tolérance, le non croyant ne devrait pas être inquiété quant il exprime librement sa pensée…
Si on prend l’exemple de la religion musulmane, une tradition veut que l’Islam enseigne la tolérance et la paix et respecte en principe la liberté de religion, car le Coran affirme que : «Il ne doit pas y avoir la contrainte dans la religion. » (Ch.2 :257) et « L’homme est libre d’accepter ou rejeter » (Ch.18 :30).
Le Coran préconise la sagesse pour ne pas opposer la violence au blasphème. Les manifestations violentes contre les mécréants jugés blasphémateurs ne sont pas autorisées.
« Et quand tu verras ceux qui plaisantent avec nos signes, alors détourne-toi d’eux jusqu’à ce qu’ils changent de conversation. Et si Satan te fait oublier ce précepte, alors après t’en être souvenu, ne reste pas assis en compagnie des injustes. » (Ch. 6 : 69).
Selon, selon les orientations et selon leur poids dans la société, ces principes coraniques sont mis de côté et la liberté est sujette à restriction. Voire des persécutions ou des poursuites peuvent être engagées contre les intellectuels qui s’expriment librement.
Pourtant selon les périodes, les pays et les orientations politiques des responsables religieux plus ou moins radicales, ces préceptes ne sont pas respectés.
Par conséquent on voit que la notion de blasphème n’a de sens que du point de vue non pas des religions, mais dans la pratique religieuse.
Le caractère blasphématoire et la gravité de ce qui est considéré comme un blasphème ne peuvent être évalués que par rapport à ce que défend une pratique religieuse dans son dogme, mais aussi par rapport aux critères d’une époque, en considération de l’évolution de la religion et de son importance dans la société.
Là où il existe des punitions pour blasphème, c’est le pouvoir politique qui en décide. C’est le cas en Iran et dans autres pays dits musulmans, en France depuis Louis IX (St Louis) au XIII° siècle et jusqu’au XVIII° siècle, c’était le roi qui punissait le blasphème.
Les articles 10 et 11 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 ont aboli la notion de blasphème. Il ne peut y avoir de sanction que lorsqu’il y a abus ou trouble à l’ordre public :
« Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la loi » (article X) ; « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté, dans les cas déterminés par la loi » (article XI).
Depuis la notion de délit de blasphème n’existe plus, sauf pendant un certain temps sous la Restauration, puis elle est à nouveau abrogée dans les années 1830.
Elle est supprimée définitivement du droit français par la loi du 29 juillet 1881
Mais, la « provocation aux crimes et délits » reste sanctionnée (art. 23), de même que l’apologie de crimes contre l’Humanité ou l’incitation à la haine ou à la violence en raison de la religion (art. 24), ou la diffamation contre un groupe religieux (art. 32).
De sorte que les critiques même si elles sont irrespectueuses, y compris les caricatures, ne sont pas un délit du point de vue du droit commun. Seuls les croyants sont attachés à cette notion de blasphème, comme à d’autres notions et valeurs qui appartiennent à leur religion.
Toutefois, l’article 14 réduit la portée de ces dispositions puisqu’il précise que : « des éléments blasphématoires sont interdits dans les publications destinées à la jeunesse »
Cependant, on ne peut exclure la France des pays d’Europe punissant le délit.
Le rattachement de l’Alsace et la Moselle en 1918 a réintroduit la notion de blasphème dans le droit français par l’incorporation de l’article 166 du code pénal Allemand. Les articles 166 et 167 du code pénal local d’Alsace-Moselle punissent le blasphème et l’entrave à l’exercice des cultes de 3 ans d’emprisonnement.
Le ministère de l’intérieur a confirmé, le 1er juin 2006, que ces articles étaient maintenus et toujours applicables en alsace et en Moselle.
Deux propositions de loi visant à rétablir le délit de blasphème ont été déposées en 2006, la première le 28 février par le député de droit Roubaud, la seconde le 21 mars par le député Eric Raoult.
En Europe des lois contre le blasphème subsistent dans plusieurs pays, mais qui ne sont guère utilisées, c’est la notion de trouble à l’ordre public qui est généralement retenue par les tribunaux.
L’Assemblée parlementaire européenne considère que : « le blasphème, en tant qu’insulte à une religion, ne devrait pas être érigé en infraction pénale. Il convient, en effet, de distinguer les questions relevant de la conscience morale et celles relevant de la légalité. »
La jurisprudence de la Cour européenne de Strasbourg montre que le blasphème n’a pas été sanctionné uniquement dans les périodes obscures de l’histoire européenne. Cette jurisprudence montre clairement que le blasphème peut donner lieu aujourd’hui dans l’espace juridique européen, à des sanctions ou à des mesures de censure.
Le premier arrêt de la Cour européenne dans ce domaine date au 20 septembre 1994 et concerne la saisie du film du cinéaste allemand Werner Schroeter «Le concile d’amour» (1981), une adaptation cinématographique de la pièce de théâtre du même nom d’Oskar Panizza, écrite en 1894. cette pièce de théâtre avait valu à l’auteur des poursuites pénales du chef de blasphème.
Le film commence par une référence au procès ouvert à l’époque contre Panizza. Puis suit, en guise d’illustration, la pièce de théâtre en question, et se termine par une scène de tribunal dans laquelle l’auteur de la pièce, est condamné du chef de blasphème.
Un siècle plus tard, un film qui veut mettre en question les poursuites pour cause de blasphème, fait lui-même l’objet de poursuites pour le même motif.
Le film a été saisi en Autriche. Les cours et tribunaux autrichiens ont estimé que le film était blasphématoire et menaçait l’exercice de la liberté de culte en Autriche.
Selon la Cour, le film pouvait receler une menace pour la liberté de culte en Autriche, la saisie et la confiscation du film étaient «nécessaires dans une société démocratique», «en saisissant le film, les autorités autrichiennes ont agi pour protéger la paix religieuse dans cette région et pour empêcher que certains se sentent attaqués dans leurs sentiments religieux de manière injustifiée et offensante.»
Cet arrêt n’est pas un cas d’espèce mais bien une jurisprudence, puisse que le 25 novembre 1996 la Cour c’est prononcé dans le même sens dans l’affaire Wingrove contre le Royaume-Uni, qui concernait à nouveau un film jugé blasphématoire.
Dans cette affaire la CEDH déclara l’interdiction du blasphème compatible avec l’article 10 de la Convention, qui garantie la liberté d’expression
Au Royaume-Uni, le blasphème était sanctionné uniquement lorsqu’il porte sur la foi chrétienne et, plus précisément, sur la foi telle qu’elle est proclamée par l’Église anglicane.
Concernant la plainte contre Les Versets Sataniques de Salman Rushdie, en 1991, le juge a décidé que le blasphème n’est punissable en Grande-Bretagne que s’il est dirigé contre le christianisme. La plainte a donc été rejetée au motif que la loi britannique ne protège pas les autres religions.
En 2008 le délit de blasphème à été abrogé.
Allemagne : L’article 166 du code pénal, intitulé : « Diffamation des religions, associations religieuses ou idéologiques » punit le blasphème jusqu’à trois ans d’emprisonnement, s’il y a trouble de la paix civile.
Pologne : En 2003, l’artiste Dorota Nieznalska est poursuivie pour avoir réalisée une sculpture représentant des organes génitaux suspendus à un crucifix chrétien.
Norvège : Une Loi de 1930 interdit le blasphème, Le film satirique Monty Python : La Vie de Brian a été interdit pendant un an, Les journaux Suédois ont titrés « ce film est tellement drôle qu’il a été interdit en Norvège » Mais les auteurs n’ont pas été poursuivis.
Ce même filme avait été interdit 8 ans en Irlande, 11 ans en Italie et 22 ans à Jersey.
Danemark : L’article 14 du Code criminel Danois dispose que : « celui qui publiquement raille ou fait outrage aux doctrines de foi ou aux cultes d’une communauté religieuse légalement établie dans ce pays, est passible de pris de corps. »
Espagne : Article 525 du code pénal, interdit « les attaques portées au dogme religieux, croyances ou cérémonies. »
Suisse : L’Art. 261 du code pénal suisse, punit celui : « qui, publiquement et de façon vile, aura offensé ou bafoué les convictions d’autrui en matière de croyance, en particulier de croyance en Dieu ou aura profané les objets de la vénération religieuse »
Irlande : Le blasphème est interdit par la constitution depuis le 1er janvier 2010, le délit est punit d’une amende pouvant aller jusqu’à 25000 euros.
Toutes les religions sont protégées par cette nouvelle loi, auparavant la constitution ne protégeait que la religion chrétienne.
L’Irlande a fait le contraire de l’Angleterre.
Grèce : L’article 198 du code pénal grec punit celui qui : en public et avec malveillance, offense Dieu de quelque manière que ce soit, et celui qui manifeste en public, en blasphémant, un manque de respect envers le sentiment religieux.
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