La question présentée à l’étude des loges nécessite, avant de tenter d’apporter une réponse, de clairement définir la notion de médias. Il s’agit de procédés permettant la distribution, la diffusion ou la communication d’œuvres, de documents ou de messages, sonores ou audiovisuels (presse, cinéma, affiche, radiodiffusion, télédiffusion, vidéographie, télématique, télécommunication).
Les moyens de diffusion peuvent être naturels (langage, écriture…) ou techniques (radios, télévisions, internet…).
Le public cible peut être restreint (médias sociaux à vocation d’un petit groupe) ou collectif (Un journal télévisé d’une chaîne nationale diffusé à l’ensemble de la population), on parle alors de « médias de masse ».
Étudier le problème sous le simple aspect des médias de masse sans prendre en compte les médias « internet » ou « sociaux », dont la place est de plus en plus prégnante, serait certainement une erreur. Définissions-les eux aussi : il s’agit des médias qui utilisent des techniques de communication hautement accessibles pour faciliter les interactions sociales. Ils prennent la forme de blogs, de wikis, de regroupements par sujet ou affinités (twitter, facebook, forums…). Ils sont utilisés, tant par des individus isolés, témoins d’une actualité particulière ou promoteurs d’un point de vue personnel, que par des groupes ou associations, blog d’un parti politique, d’un courant de pensée. Ils permettent de véhiculer une idée, un message, en dehors de tout canal officiel, de toute possible censure. Ils deviennent ainsi de réels moyens de propagande à la disposition de chacun.
Il est enfin fait référence à la conscience individuelle, cette notion est assez difficile à cerner tant elle peut être en opposition avec l’instinct grégaire qui nous anime et nous pousse à penser comme l’autre. Elle est aussi mouvante, une vérité d’un jour ou d’un lieu n’étant souvent que relative à cet instant ou cette localisation ; Une diffusion d’une information brute :l’assassinat d’un soldat de tsahal, n’aura pas du tout la même conséquence ni le même sens dans la bande de gaza ou sur la cinquième avenue.
Répondre par un oui ou un non serrait assez simpliste et ne résume pas les débats de notre atelier.
Un média n’a pas d’opinion en lui-même, il est un outil neutre, c’est l’utilisation qui en est faite qui est le cœur du sujet.
Les médias de masse sont « de masse », ils ont vocation à diffuser vers un grand nombre d’individus, dans une relation unilatérale et souvent géographiquement ou sociologiquement ciblée. Ils possèdent une énorme puissance financière, ils appartiennent tous ou presque à des groupes bancaires ou industriels ayant un intérêt en la pérennité de notre système économique et social actuel.
Ces médias, sociétés à part entière, pour certains achetables par petit morceau en bourse se doivent d’être rentables par un quasi unique moyen de financement, notamment pour les médias audiovisuels privés : la publicité.
Difficile dans ces condition d’imaginer une absence d’influence sur la ligne éditoriale de tel ou tel média de la société ayant acheté quelques pages ou quelques secondes de publicité. Quand bien même il n’y ait pas de pression de la part de l’annonceur, la simple autocensure par le média lui-même, est un risque réel.
Cette autocensure se remarque aussi vis à vis de l’autorité. Pour des raisons d’ordre public, un service d’état peut toujours tenter d’empêcher la diffusion d’un article mais aujourd’hui, il arrive que le média lui-même demande, de sa propre initiative, l’autorisation d’aborder tel ou tel sujet sensible.
Pour ce qui est des lignes éditoriales facilement accessibles dans les médias écrits, le spectre des idées défendues peut paraître assez large. Il y a un certain écart entre « les inrockuptibles » et « valeurs actuelles » mais remettent-ils vraiment, l’un et l’autre, les fondements du système en cause ?
Le zapping d’une chaîne de télévision à l’autre à l’heure des informations ne permet bien souvent de constater comme seules différences, que le logo en haut de l’écran ou le brushing de la présentatrice.
L’usage d’un ton décalé pour éclairer une actualité peut faire croire en une analyse alternative, il ne s’agit souvent que du changement de la couleur du papier d’emballage. Ce ton décalé, notamment par l’usage de la caricature, peut avoir des conséquences importantes sur l’image ou le message d’une personne. Si je pense à Jacques Chirac, mon premier souvenir, sera-t-il celui de l’ancien président de la république, de l’ancien chef du RPR, de la marionnette des guignols qui clame ces « putain deux ans ! » ou de l’aigle du « bebette show ». Le risque de détournement du message est bien présent.
Afin de suivre la révolution du net, l’offre des médias de masse se présente sur ce canal en une profusion de sources d’information, pour un grand nombre gratuites, ou faussement gratuites puisque payées par le budget publicitaire margé dans le prix des produits que nous achetons. Cette profusion, le plus souvent sans analyse, ce qui pourrait être une garantie de neutralité, peut induire des amalgames entre ce qui est important et ce qui ne l’est pas, passant d’une catastrophe écologique au troisième divorce d’une pseudo-star, entre ce qui se passe chez soi et de l’autre coté de planète, une abjecte tuerie dans un lycée américain occultant une fermeture d’usine en France.
Alors, les médias uniformisent-ils la conscience individuelle ? l’analyse des médias de masse tendrait plutôt à conclure en leur propre uniformisation.
Les « nouveaux médias » ou « médias sociaux »sont plus à même de proposer des idées alternatives. Ils sont plus fragmentés et susceptibles de mettre en relation des personnes provenant d’horizons totalement différents.
Il se pose souvent pour eux le problème du financement dès que l’audience implique des besoins en ressources informatiques plus importants. Prenons l’exemple de l’encyclopédie participative wikipedia, afin de tenter de garder une neutralité, les campagnes de financements par des petits dons sont systématiques et impératives. Il s’agit peut être là de l’ultime garantie de neutralité, le média n’appartient à personne puisque financé par tout le monde.
Au delà du simple financement d’un site, il est nécessaire de financer le réseau lui-même et cela amène le débat sur la « neutralité du net ».
Les médias alternatifs posent le problème de la vérification des sources d’information. Une rumeur erronée lancée sur twitter peut très rapidement faire le tour de la planète et il faudra dix fois plus de communication pour rétablir une vérité.
Il est tout à fait possible, par eux, de trouver toutes les idées alternatives, des plus construites aux plus fantaisistes, opposition systématique ou part belle aux nombreuses théories du complot, théories dans lesquelles nous sommes souvent impliqués.
Force est de constater que dans l’histoire humaine, nous n’avons jamais eu autant la possibilité de dire autant de choses et surtout de dire autant de choses inintéressantes.
La fragmentation des canaux d’information par le net tend à complexifier l’accès à cette information. Les moteurs de recherche, dont les algorithmes composent avec la pertinence des mots et le nombre de connexions sur la page, relèguent mécaniquement les sites réellement alternatifs en fond de classement.
Enfin, la puissance de certains groupes financiers ou industriels, permet souvent, lors de la survenance d’un événement particulier, la constitution de cellules de communication chargées d’occuper le terrain afin de diffuser ou contrôler l’impact possiblement négatif de cet événement, le matraquage intellectuel prenant alors le pas sur l’information réelle.
Le constat général est bien celui de l’impossibilité d’une quelconque neutralité. Il faut en finir avec la supposée objectivité de l’informateur sur l’information : l’information objective n’existe pas.
Un article sera toujours le fruit d’une pensée individuelle, le simple choix d’une énumération de faits sans analyse est déjà une analyse. Pourquoi a-t-il parlé de ceci et non pas de cela.
Néanmoins, nous devons reconnaître qu’à l’aube de ce 21° siècle, si nous souhaitons une information sur un sujet donné, nous l’avons.
Comment donc permettre la constitution d’une pensée individuelle autonome dans une telle profusion d’informations où, au final, nous nous rendons compte que l’objectivité est une illusion.
Nous devons garantir le droit à la pluralité et le droit d’analyser et critiquer.
La liberté d’expression est un des droits premiers protégés pas nos règles constitutionnelles, le droit de s’exprimer tant que l’on ne commet pas des appels à la haine de l’autre.
Ce droit ne peut s’exercer que si les consciences individuelles sont en capacité d’analyser et de critiquer, donc à la condition que le droit à l’instruction soit réel. Le rôle de l’école, vraiment libre et vraiment accessible, est ici primordial.
Mais écrire des droits sur un papier n’a jamais été suffisant si on ne poursuit pas une politique qui leur permette de s’exercer.
Il est nécessaire d’organiser et de protéger la diversité de l’offre médiatique, sans pour autant contrôler la diffusion, par un organisme le plus indépendant possible. Cette autorité doit d’avoir un contrôle de la neutralité de l’action et de la formation des journalistes.
La garantie de diversité implique l’organisation d’un financement par les médias qui gagnent de l’argent autant que par les gens qui payent le support.
La facilitation des possibilité de financement par l’utilisation des micros-dons est une piste pour les médias du net dont la portée dépasse les petites frontières géographiques et juridiques de l’état.
L’école n’est pas le sujet de la question, pourtant, elle nous y ramène. Il est présupposé l’acquis d’une conscience individuelle pour chacun, le débat ne portant que sur son éventuelle uniformisation. Cet acquis parait souvent bien mal en point et si nous ne souhaitons pas que l’opinion individuelle fluctue au grès des annonces des médias de masse, se perde dans le maelstrom des brèves d’informations en continue ou s’égare dans des échanges peu vérifiables : l’instruction, l’apprentissage de l’analyse et de la réflexion est un prérequis impératif.
Ce n’est que cette liberté de réflexion qui donnera le pouvoir ultime à la conscience individuelle face aux médias et aux possibles dangers d’uniformisation des consciences, celui de prendre un impératif recul, pouvant aller jusqu’à appuyer sur le bouton arrêt de la télé ou fermer le journal, pour se donner le temps de penser, d’analyser, de critiquer et non pas simplement se réfugier dans l’indifférence.
Ce n’est que par l’ensemble des ces moyens que la conscience collective sera l’émanation de réelles consciences individuelles et non le jouet de médias uniformisés.
Sainclair
En publiant ta version sur la toile, ne participes-tu pas à l’uniformisation des réponses que les FF vont apporter à la question posée ?
😉