Ce mois-ci dans l’actualité du combat laïque : De Vincent Peillon à Manuel Valls, et du rôle fondamental de l’école laïque dans l’émancipation.
Après s’être déclaré pour un enseignement d’une morale laïque, Vincent Peillon déclare le 7 janvier sur RTL ne pas vouloir de guerre scolaire et parle maladroitement de laïcité ouverte lorsqu’il évoque la polémique causée par le débat sur le mariage pour tous évoqué à l’école.
Pourtant le mardi 8 janvier l’Union Nationale Inter-universitaire publie sur son site un article se voulant être une analyse de « L’étrange conception de la laïcité » de Vincent Peillon, faite à partir de l’étude de deux ouvrages écrits par le ministre : « Une religion pour la République : la foi laïque de Ferdinand Buisson », Le Seuil, 2010 et « La révolution française n’est pas terminée », Le Seuil, 2008. Pour les auteurs dubitatifs : il ressort de cette étude que pour Vincent Peillon, « l’école doit être capable de concurrencer les religions et les traditions ». L’UNI semble s’en étonner et regrette sans doute le discours de Latran de l’ancien président de la République. Mais qu’elle se rassure François Hollande a officiellement accepté le titre de chanoine du Latran « au nom de la tradition ». En revanche, il n’ira pas en prendre possession à Rome : L’art de la synthèse !
Dans Libération de 13 janvier Henri Pena-Ruiz souhaite en finir avec le double jeu, extraits choisis de l’article :
Triste sort que celui de la laïcité dans notre pays. Evoquée sur un mode incantatoire, elle ne cesse d’être bafouée. En particulier dans le domaine scolaire. Le secrétaire général de l’enseignement catholique, Eric de Labarre, tente d’enrôler les élèves de ces écoles dans des débats sur le mariage pour tous, projet émancipateur programmé par les représentants du peuple…. On cache ainsi le prosélytisme religieux mais cela ne doit tromper personne. Le ministre de l’Education nationale a donc raison de s’indigner…..la cause en est la loi Debré…. La loi du 31 décembre 1959 organise le financement public d’écoles privées sous contrat tout en leur demandant d’observer la neutralité dans l’enseignement des programmes nationaux. Mais la même loi leur reconnaît un caractère propre, nom donné… à leur orientation religieuse. Autant dire que cette loi anti-laïque veut marier la carpe et le lapin : la liberté de conscience des élèves et le caractère propre des écoles… Le mariage hétéro traditionnel et sa codification juridique machiste ont été sacralisés par les trois religions du Livre quand elles ont confondu les préjugés inspirés par un patriarcat d’un autre âge. L’irremplaçable mérite de la laïcité est de délivrer la loi commune de la tutelle religieuse et d’en faire un principe d’émancipation individuelle et collective, tout en laissant chacun libre de choisir son mode d’accomplissement.
On peut mesurer l’enjeu de la laïcisation du droit pour des émancipations sociétales décisives. Entre autres, la dépénalisation de l’interruption volontaire de grossesse (IVG) en 1975, la suppression de la notion de «chef de famille» des livrets de mariage (1983), la construction de formes relationnelles nouvelles comme le pacs (1999), la pénalisation des stigmatisations homophobes (2001)….. et enfin l’avènement du mariage pour tous. A rebours de ces progrès, l’Eglise se sert des écoles qu’elle contrôle pour empêcher l’émancipation laïque….. De façon très jésuitique sont choisis des éléments de langage propres à camoufler le prosélytisme. Ainsi du détournement de l’éducation sexuelle, définie sans équivoque dans les programmes nationaux de la République. Pour preuve la révision prosélyte de ces programmes, appliquée à l’ensemble du parcours scolaire : «Le projet spécifique de l’enseignement catholique attaché à la formation intégrale de la personne humaine, réfère l’éducation affective, relationnelle et sexuelle à une vision chrétienne de l’anthropologie et l’inscrit dans une éducation plus large à la relation qui concerne tout le parcours scolaire.»
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La VIE, elle, a choisi le 11 janvier de faire référence au ministre Manuel Valls. L’hebdomadaire semble se féliciter de la position dudit ministre.
A l’occasion des vœux de la Fédération protestante de France jeudi 10 janvier, le ministre de l’Intérieur et des cultes Manuel Valls a défini sa vision d’une laïcité apaisée qui n’est pas la négation du fait religieux, et a égratigné Georges Clemenceau comme « bouffeur de curés ». Manuel Valls n’évoque donc pas le briseur de grèves, il est vrai que là n’était pas le sujet !
Le ministre fait référence à l’anti-catholicisme primaire de la période qui a entouré la naissance de la loi de 1905, Il mentionne explicitement la question de la foi et souligne la nécessité de l’enseignement du fait religieux à l’école.
Pour l’hebdomadaire : La laïcité de Valls, si elle n’est explicitement positive, est donc un rejet de la laïcité négative que partagent un certain nombre des hommes et femmes politiques de son camp. Pour lui, elle est la capacité pour une nation, un peuple de répondre aux aspirations de nouvelles religions, ou qui se développent davantage, suite aux phénomènes de globalisation et de l’immigration.
Dans un journal du soir, paru le midi, on sommait récemment le gouvernement d’être plus clair en matière de laïcité. Lui se veut, au contraire, clairement pragmatique. Il n’y a pas besoin d’avoir une position claire, nette, définie, mais des sujets à aborder avec beaucoup de tact.
Il se dit convaincu que la France a la capacité d’être cette vieille terre chrétienne, catholique, qui a vu les guerres de religions, où le protestantisme a joué un rôle essentiel, qui accueille l’une des plus vieilles communautés juives du monde, d’autres religions, l’islam, en dépit des difficultés du moment.
Lorsque la gauche ressemble à la droite, elle fait le lit de l’extrême droite, relisons Patrick Kessel dans Libération publié le même jour :
Pour l’ancien Grand Maître du Grand Orient de France et président du comité Laïcité République, cet accaparement par l’extrême droite d’un des piliers de la République ne constitue pas moins qu’un hold-up : Une valeur qui lui sert, en fait, de paravent pour mieux délivrer un discours islamophobe et par conséquent «anti-immigrationniste». Et d’accuser la nouvelle égérie du Front national d’avoir «réalisé le casse du siècle ».
L’auteur dénonce des dérives à gauche aussi. Certains chantres du multiculturalisme à tous crins, croient « que la laïcité est une vieille lune à ranger au magasin des accessoires de l’histoire. Que la société multiculturelle met un terme à l’aspiration universaliste de la société des Lumières. Qu’une mosaïque de communautés fait plus moderne qu’une République de citoyens libres et égaux».
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