La justice, C’est, dit-on, un bien en soi de commettre l’injustice, et un mal de la souffrir. Mais il y a plus de mal à la souffrir que de bien à la commettre.
Ce qui prouve d’emblée que la justice n’est pas un principe universel.
Le fondement de la justice :
Pour certains auteurs la justice est le sentiment de la majorité, le sentiment de l’individu, une croyance sociale, un sens spirituel, une intuition, un instinct etc.
Chacune de ces notions génère des conséquences juridiques particulières, parce que la justice est avant tout un problème loi, donc de droit.
La justice est aujourd’hui comme hier l’objet de débats : où trouver le critère du juste ? Depuis toujours la philosophie a tenté de répondre à cette question : la justice, résulte d’une convention, c’est-à-dire d’un accord passé entre les hommes et qui règle leurs rapports selon la loi.
On appela juste et légitime ce qui fut ordonné par la loi. Telle est l’origine et l’essence de la justice.
La justice n’est rien en soi, elle n’a de sens que dans du contrat social liant les parties pour déclarer que l’on évitera de se nuire mutuellement.
Pourtant, cette réduction de la justice à la loi ouvre toute une série de questions.
– La première est celle du rapport de la justice et de la force.
La loi, en effet, protège de l’injustice parce qu’elle est accompagnée du pouvoir de sanctionner.
La justice sans la force est impuissante, la force sans la justice est tyrannique.
Dès lors, le risque existe de confondre force et justice, et la loi sans justice ne serait que la loi du plus fort.
Il est juste que ce qui est juste soit suivi, il est nécessaire que ce qui est le plus fort soit suivi. Il faut donc mettre ensemble la justice et la force, et, pour cela, faire que ce qui est juste soit fort ou que ce qui est fort soit juste.
– La seconde question est celle du rapport entre la justice et l’égalité.
La loi est la même pour tous et la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 affirme solennellement que tous les hommes sont « égaux en droits ». Seulement en droit.
Mais cette égalité des droits est-elle suffisante, dès lors que les conditions de vie économique et sociale des plus démunis entravent l’exercice de ces droits ?
Force est de constater que l’affirmation de cette égalité des droits est insuffisante, dans la mesure ou elle ne rend pas forcement caduc certains textes antérieurs, qui bien que contraire à la justice, mais pas à l’organisation sociale.
La je veux parler des codes noirs de 1685 et 1724 qui n’ont pas été rendu caduc par la déclaration de 1789.
Ce profond désaccord sur les notions les plus élémentaires, qui subsiste toujours après des millénaires de réflexion et d’étude, selon certains auteurs ce désaccord ne fait que confirmer, la thèse de la doctrine biblique, selon laquelle la justice et le droit ont leur fondement dans des sources transcendantes.
« Le contenu du droit, donné aux hommes par une révélation transcendante, se trouve exprimé dans la Bible, dont les normes juridiques sont proclamées au nom des lois divines, éternelles et supérieures. »
On sait que les monarchies européennes ont utilisé cette vision de la justice, et d’autres après peut être jusqu’en 1905.
Mais ce qui nous intéresse et qui me semble fondamentale, ce n’est pas la définition ou le fondement de la notion de justice, mais bien la façon dont nos sociétés modernes l’appréhendent et l’applique.
A quelles conditions une organisation sociale peut-elle être juste? Autour de cette question s’est instauré un débat qui, malheureusement est politique, certes ce débat ne peut être suscité que par les politiques, mais pas de manière politicienne comme il est actuellement.
Or depuis 1981 on assiste à une transformation radicale de la fonction de la justice en tant qu’institution.
Depuis cette date, chaque année le parlement est saisi d’un projet ou d’une proposition de loi visant à moderniser l’institution, bientôt dans les mois avenir il sera crée une inspection générale de la justice.
Que la justice soit ainsi en discussion signifie qu’il ne peut exister de justice décidée et décrétée une fois pour toutes !
Les inégalités relatives ne peuvent reculer et la justice progresser que s’il existe une démocratie ouverte aux questionnements et aux remises en cause, c’est-à-dire une démocratie vivante.
La raison veut que toute loi soit universelle, en ce sens qu’elle s’impose à tous.
Les lois justes sont celles qui s’ingénient à faire que les hommes, les femmes, les enfants, les malades, les ignorants soient tous égaux.
Mais nous serons tous d’accord de reconnaître que sur des cas particuliers, l’universalité ne permet pas de se prononcer avec justesse.
Force est de constater que l’actualité, les évènements passés et présents nous donnent la preuve de cette injustice que nous la subissons quotidiennement.
On sera tenté de rejoindre DARWIN et dire que la rectitude de la loi n’est pas en cause; car l’erreur ne lui est pas imputable, ni imputable au législateur, mais résulte de la nature même de la chose.
Car tous les concepts tel que : » A chacun selon ses mérites « , » A chacun selon ses besoins « , » A chacun selon ce que la Loi lui attribue » aboutissent en fait à l’injustice, dès qu’ils sont transposés dans une société humaine.
Dans la société actuelle la justice est à la fois un pouvoir et un service public, la constitution de 1958 à confinée la justice dans un rôle de simple autorité, juste après le pouvoir législatif et exécutif.
On constate que la justice tend à devenir un vrai pouvoir, que certain nomme le gouvernement des juges.
Le rôle grandissant du juge traduit une crise des institutions étatiques bien plus qu’il n’en est la cause. Les juges appliquent simplement la loi
La réalité de la 5eme république était celle d’un état administratif dont l’élite n’était responsable que devant l’administration, les juges sont et demeures des fonctionnaires.
Par conséquent, l’opinion publique aidé par les médiats a eu recours au droit pour la démocratiser, ce qui traduit un rééquilibrage d’un état souverain par un état justiciable, justiciable au sens de responsable.
Aujourd’hui tout le monde saisi la justice, la classe politique n’est pas déstabilisée par un petit juge mais par d’autres hommes politiques, un grand patron n’est pas menacé par un petit juge, mais par des actionnaires.
Cette situation de fait n’est pas seulement due à une plus grande production de droit, par exemple le délit d’abus de biens sociaux existe depuis 1935, la diffamation depuis 1881, et ce n’est qu’aujourd’hui qu’on les utilise à tout va.
Ce n’est pas le droit qui change, mais le consensus sur son-application et l’utilisation qu’on peut en faire qui s’installe dans l’opinion, c’est une évolution des mentalités.
La révolution à la quelle nous assistons n’est ni politique, ni juridique, mais culturelle (à l’image des USA).
Elle consiste en une nouvelle utilisation du droit et par conséquent de la justice en tant que fonction, en particulier de la justice pénale, parce que le politique à défaut de solutionner les vrais problèmes, crée de nouveaux besoins dont il peut répondre. (exemple des lois Guigou, Sarkozy, Perben, la création du juge de proximité, le plaider coupable)
Le tribunal est utilisé par tous, à commencer par le politique, comme un nouveau forum politique.
Alors que la justice était traditionnellement cantonnée, notamment à la résolution de conflits de la famille, la propriété, elle se transforme en une ressource culturelle et politique à la disposition de tous. ( à l’image de José Bovet, Dieudonné et autres)
Le malaise vient précisément de ce que les institutions judiciaires n’étaient pas préparées à cette nouvelle utilisation.
On peut noter que plus deux tiers des juges actuellement en fonction ont été recrutés que depuis 1981. ( sans compter le personnel et auxiliaires de justice qui ont presque doublé depuis)
En faite nous assistons à une migration du lieu de la démocratie, de l’état vers la justice, sans disparaître, l’administration étatique est supplantée par la justice comme lieu de la démocratie.
La procédure judiciaire est devenue un nouveau langage et l’utilisation accrue de la justice consacre un nouveau vocabulaire politique.
Ce phénomène n’est pas propre à la France, on assiste dans différents pays européens à une judiciarisation des débats publics ou à une politisation du judiciaire, à travers notamment du traitement croissant par le juge d’affaires de corruption au sien de la sphère politique.
Mais il faut noter que cette mobilisation sur la question des nouveaux rapports de pouvoir entre le judiciaire et le politique ne concerne qu’un nombre limité d’affaires par rapport à l’exercice quotidien de la fonction de justice.
Cette évolution démontre que la place de plus en plus centrale occupée par la question de la justice ne peut trouver son sens dans la justice comme institution, mais dans un processus plus général de régulation politique et de développement économique.
Ce qui explique l’intérêt accordé à la justice par la banque mondiale, dans un rapport de 1997, elle fait de la justice un indicateur dans le diagnostic qu’elle porte sur l’état de développement et le niveau démocratie de certains pays.
Cette utilisation peut paraître très éloignée de l’idée qu’on se fait de la justice, mais elle présente tout de même un avantage, dans la mesure ou elle intègre les populations socialement exclues ou marginalisées dans les espaces de justice, autrement que sous une forme exclusivement répressive.
(Même si c’est pour des besoins de statistiques économiques)
Force est de constater que l’institution judiciaire malgré sa mutation ne répond pas à l’attente de certaines populations, qui réclame avant toute chose une justice sociale effective.
Les nouvelles lois de procédure font une place important à l’accès à la justice, tel qu’on le conçoit aujourd’hui, c’est à dire la possibilité mais pas les moyens d’y recourir à la justice.
La constitution pour l’Europe, qui ne consacre que quatre articles à la fonction de justice, prévoit une aide pour assurer l’effectivité de l’accès à la justice. ( c’est à dire la justice vue sur un plan purement économique)
Pour écarté la majorité des justiciables de la justice comme moyen de pouvoir, on leur a institué le juge de proximité, le plaider coupable et la comparution immédiate. (la justice est devenue affaire de gens coupables et respectable qu’il ne faut pas mélanger avec la délinquance, ce qui explique qu’il fallait plus inculper ces gens là mais les mettre en examen, et qu’un voleur de scooter est présume coupable alors que l’escroc présumé innocent )
On constate qu’au-delà de la recherche de la vérité ou de l’équité, la fonction de justice est utilisée à des fins étrangères à sa finalité première qui est de dire le droit, même si le droit n’est pas forcément juste.
Toutes les réformes entreprises par tous les gouvernements successifs prouvent s’il en était besoin que l’institution judiciaire ne réponde plus à sa finalité.
Concrètement, Avec la mondialisation toutes les activités sociales, toutes les institutions sont soumises à une analyse économique censée évaluer rationnellement leur efficacité et déterminer les moyens de l’accroître.
De fait la modernisation de la justice passe par une organisation purement fonctionnelle, avec des méthodes de management similaire à celles pratiquées dans les entreprises commerciales.
Il faut que la machine produise, et au moindre coût.
A un certain moment le fonctionnement interne finisse par occulté la finalité, parce que considérer la justice sous l’angle de sa valeur marchande permet d’éluder la question du but et donc de l’humanité.
Nous avons vu que la finalité de l’institution judiciaire, est de dire le droit, de rendre la justice, c’est à dire d’attribuer à chacun ce que lui revient dans un conflit.
Pour y parvenir ont été élaborées des règles de procédure qui assignent à l’acte de juger une forme lui donnant un sens et conditionne l’émergence d’une décision plus ou moins juste.
Mais ces règles ont pour caractéristique de ne pas rechercher une efficacité absolue. Elles laissent place au doute, à l’incertitude, et peuvent engendrer des solutions difficilement compatibles avec le bon sens apparent et la vérité.
Malgré tout, ces règles sont acceptées par la collectivité sous forme de dictons « mieux vaut un coupable en liberté qu’un innocent en prison »
Mais l’instruction dans l’affaire d’Outreau à préféré « mieux vaut un innocent en prison qu’un coupable en liberté. »
Mais en définitive ils assuraient la garantie des droits des nantis, et l’apaisement de l’opinion, tandis que les pauvres n’étaient le plus souvent que les victimes passives, sauf dans certaine situation ou les plus défavorisés, pouvaient exploiter la contradiction entre les droits formels et l’absence de droits réels, dénoncer l’inégalité économique et culturelle de deux parties juridiquement égales.
Mais la mondialisation veut que l’état intègre cette ancienne institution dans la nouvelle économie.
Dès lors, dans cette perspective de rendement, l’institution judiciaire se voit assigner les fins communes à toute organisation, rapidité et économie, qui se substituent à la finalité de justice.
En conséquence les règles de procédure perdent leur sens puisque relativement inefficaces, et désormais privées de fin spécifique et de justification.
Le domaine judiciaire se trouve fortement intégré dans un fonctionnement global soumis aux impératifs de modernisation.
La justice doit se prêter à la logique de la machine informatique et des techniques d’organisation et de management.
C’est par rapport à cette logique qu’elle trouve sa fonctionnalité, bien plus que par rapport à un besoin humain ou à un ordre social.
Dans ces conditions il est normal que les principes de procédure reculent devant les techniques de gestion. Désormais la mission de la justice est de produire des jugements.
Mais curieusement certains principes traditionnels de l’ancienne institution ont été conservés et renforcés, notamment c’est le cas de l’instruction pénale qui concerne un nombre limité des personnes poursuivies en justice.
C’est la procédure dont bénéficient les politiciens, patrons et autres, alors que la majorité des prévenus sont présentés devant le tribunal au terme d’une procédure rapide.
C’est donc objectivement que la justice produit aujourd’hui de l’inégalité.
La conception de la justice comme machine à gérer des stocks de dossiers justifie que les contentieux de masse constituent la matière première de la nouvelle justice.
Or ces contentieux concerne essentiellement les justiciables les plus démunis, qui de fait sont les premières victimes d’une justice déshumanisée, le juge se contentant de prendre des décisions standardisées loin du drame humain qu’elle provoque. (exemple expulsion pour loyers impayés, à tel point que certaines municipalités s’opposent aux expulsions sur leur territoire)
Alors que juridiquement elles n’ont aucun moyen pour s’y opposer
L’uniformisation de ces décisions tant en leur forme qu’en leur contenu satisfait uniquement les établissements de crédits et les sociétés d’HLM.
A tel point que l’emprunteur, le locataire n’est plus désigné par son patronyme mais par le débiteur qui permet d’enchaîner jugement après jugement sans même identifier les personnes et donc sans s’interroger sur leur situation. (un emprunteur, un locataire, ça n’a pas de famille, pas de maladie, il est juste irresponsable et de mauvaise foi)
Avec la procédure d’injonction de payer qui permet au juge saisi par un prétendu créancier, de condamner une personne sans même l’avoir entendue et sans motiver sa décision. (il suffit de produire une facture et de dire que le débiteur est de mauvaise foi)
Il a même été question d’organiser le télétraitement de ces affaires, le juge n’aurait plus aucun original de contrat ou facture en main, mais uniquement des pièces sur son écran.
Définitivement séparé de la réalité humaine des litiges qu’il tranche, le juge n’appréhende sa mission qu’en terme de traitement de flux, de résultat que les politiques et les économistes puissent exploiter.
Les réclamations des parties, relatives aux droits fondamentaux de l’homme n’y jouent qu’un rôle secondaire.
Elles se trouvent ainsi en face de la différence entre avoir le droit et finir par avoir raison et gagner sa cause.
Malgré les tergiversations, la question d’une vraie justice est toujours présente, parce qu’on y est toujours confronté.
Elle est un défi toujours vivant.
Elle met en évidence une tache particulière pour laquelle il faut combattre la déformation de la vraie mission des droits, assurer la vraie justice à tout individu, et s’opposer à tout abus de pouvoir.
En conclusions :
On s’accordera à dire que l’objectif de la justice est l’établissement d’un ordre social harmonieux et la solution des conflits entre les hommes.
Le droit n’est qu’une médiation, mais cette médiation n’est-elle pas le véritable objet de l’activité d’une politique soucieuse de bâtir cette Humanité Future où serait enfin concilié la justice, la force et la liberté.
En définitive, la justice : c’est le produit d’un progrès constant (la loi), opéré par des hommes de bonne volonté, en vue d’un ordre supérieur qui doit régner dans le monde et qui assurera le triomphe des intérêts les plus respectables.
Cependant deux questions découlent de cette affirmation :
Qui déterminera quels sont les intérêts les plus respectables ?
Et au nom de quel critère est déterminé l’ordre supérieur ?
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